Exposition : Cécile Raynal au musée Maurice Denis

Jusqu’au 25 juin, le musée Maurice Denis de Saint-Germainen-Laye présente six sculptures de Cécile Raynal qui dressent un portrait concis mais panoramique de l’œuvre de l’artiste. Disséminées dans les espaces du musée, ces pièces dialoguent avec celles d’une autre exposition, Femme(s).

Réparés (2018). Sculpture en grès enfumé, pigment, caisse en bois.

Les six pièces qui composent l’exposition Rêves(s) de filles témoignent de la multitude des sources qui nourrissent le travail de l’artiste : la littérature (Arbre-Monde III), les mythes et les contes (Daphné), la philosophie et la spiritualité (Un Christ) et bien sûr toutes les rencontres faites dans le cadre ou autour de sa pratique de la sculpture.

Car la sculpture de Cécile Raynal est avant tout le résultat de rencontres : celles effectuées dans le cadre des résidences qui rythment et orientent sa création. Depuis dix ans, l’artiste installe un atelier nomade dans des lieux habituellement isolés des regards : prison, maison de retraite, couvent, porte-containers… Là, elle modèle dans l’argile les portraits de celles et ceux qui prennent le temps de la pose. Dans l’échange qui nait de ce face-à-face émergent des récits de vie que l’artiste imprime dans la matière.

Au sujet de cette pratique singulière, Cécile Raynal écrivait en 2018 dans son livre Mémoires de braise : « (…) l’ignorance et l’étonnement sont mes principaux outils. Quand l’évidence disparaît, l’idée même de la familiarité et de l’habitude est balayée, et peuvent alors surgir des formes inattendues. Une artiste sur un cargo, dans une prison, dans un hôpital est d’abord en situation d’étrangeté, de celle qui vous rappelle que l’évidence n’est qu’un point de vue, que l’étonnement face au monde est une planche de salut, et que l’art ne peut advenir qu’en décalant le regard. »

Ces résidences alternent avec des séjours dans son atelier normand où les expériences vécues à l’extérieur donnent naissance à d’autres formes et d’autres types de narration. C’est notamment dans cet espace et cette pratique solitaire que s’est développé le bestiaire et la galerie de créatures hybrides, mi-humaines mi-animales, qui peuplent aujourd’hui sa création.

Arbre monde III (2022/2023). Sculpture en grès enfumé, pigment.

La première œuvre qui accueille le visiteur sur le parcours de l’exposition, qui est aussi la plus récente, n’est pourtant pas un portrait, en tout cas pas au sens littéral du terme : Arbre-monde III (2022/2023), une référence au roman de Richard Powers, est pourtant en lien direct avec le vivant, et partant, avec l’humain. Ce thème de l’arbre-monde, que l’artiste a déjà abordé à plusieurs reprises, ne fait-il pas écho aux mythologies qui évoquent un arbre cosmique, qui relierait les différentes parties de l’Univers ?

Un Christ (2021). Sculpture en grès enfumé, acier, cyprès.

L’autre œuvre présentée au rez-de-chaussée, dans le vestibule chapelle, aborde un sujet plus inhabituel dans le travail de l’artiste : celui du Christ en croix. Né dans le cadre d’une commande privée, Un Christ (2021) s’affranchit pourtant des représentations classiques puisque, si la position est bien celle d’un crucifié, les bras ne sont pas cloués : « Je ne pouvais pas clouer un homme. Sans doute parce qu’un homme aux bras cloués ne peut embrasser. Et il me semble que cet homme a voulu embrasser les humains » écrit l’artiste.

Les quatre œuvres exposées à l’étage sont toutes des portraits de femmes : Daphné, personnage de la mythologie grecque (Daphné, 2021) ; Nancy Houston, femme de lettres et ami de l’artiste (Par la Peau, 2021), et deux portraits énigmatiques.

Réparés (2018), est une installation représentant une femme entourée de trois renards. Créée dans le cadre d’une résidence au musée des Arts et Métiers, l’œuvre est le témoignage d’une rencontre avec une jeune femme survivante du Bataclan, qui portait un renard tatoué sur l’épaule, en signe de mémorial de son compagnon assassiné lors de ce drame. La place de l’animal fait ici écho aux propos de l’artiste sur la place qu’occupe la bête dans son œuvre : « Je modèle autour de grands silences entre Homme et Bêtes, j’envisage aussi le hurlement de tous face au désastre. Rien n’est explicite, mais lorsque je les bâtis je souhaite y mêler la menace, l’enveloppe, la béquille, l’attente, la caresse. »

Rêve de fille I (2016). Bronze.

L’enveloppe, la béquille, l’attente sont aussi des thèmes qui effleurent dans Rêve de fille (2016), seule pièce en bronze de l’exposition : une jeune femme, jambes et bras croisés, assise sur un haut tabouret, offre au spectateur la vision d’un corps sans visage, à l’intérieur creusé et transpercé. Rêve ou cauchemar ? Fille ou monstre ? Les sculptures de Cécile Raynal ne cherchent pas à séduire, mais plutôt à donner à voir la réalité de vécus, parfois douloureux, sur lesquels il serait plus facile de fermer les yeux. Donner à voir ce qu’il y a sous la peau. Et l’on pense en regardant ses œuvres à cette phrase de Charles Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Rêve(s) de filles, sculptures de Cécile Raynal
25 mars – 25 juin, 2023
Musée Maurice Denis
2 bis, rue Maurice Denis, 78100 Saint-Germain-en-Laye, France.

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