L’art de l’encre : questions à Hongyu Zhang

Depuis le 11 décembre dernier, le Metropolitan Museum of Art de New York propose une exposition intitulée Ink Art: Past as Present in Contemporary China. L’exposition examine la production d’une trentaine d’artistes chinois qui, depuis les années 1980 ont transformé la tradition chinoise dont ils ont hérité, tout en maintenant des liens étroits avec le langage expressif du passé. Articulée autour de quatre grandes thématiques, Ink Art donne à voir comment les artistes se sont emparés de la calligraphie et de la peinture de paysage pour en exploiter les ressources graphiques. 

Cette démarche est au cœur de l’oeuvre du jeune peintre chinois Hongyu Zhang, qui vit et travaille en France depuis une dizaine d’années, et que nous sommes heureux de compter parmi les artistes d’Artistics. Nous avons donc saisi le prétexte de cette exposition pour l’interroger sur son propre rapport à la tradition culturelle chinoise.

Affiche de l’exposition Ink Art: Past as Present in Contemporary China.

Dans le communiqué de presse de l’exposition « Ink Art », il est dit que l’écriture est la plus haute forme d’expression artistique en Chine. Etes-vous d’accord avec cela ?

Hongyu Zhang : Totalement. La calligraphie, pour moi, c’est le squelette de la culture chinoise, et l’encre de Chine en est le sang. Ensemble, les deux sont les éléments les plus essentiels de la culture chinoise. Dans la tradition, un peintre est aussi un calligraphe et un poète. Les trois définissent ce qu’est un artiste. Bien sûr, aujourd’hui, le rapport à l’écriture est complètement différent : on n’a plus besoin d’écrire à la main, mais cela n’a pas remis en cause l’importance de la calligraphie dans la culture chinoise. Dans l’art contemporain, la calligraphie est davantage utilisée comme symbole que pour transmettre un message. L’art contemporain chinois est plus proche de l’art occidental, mais il y a encore beaucoup de calligraphes professionnels en Chine. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, d’acheter une calligraphie pour l’accrocher chez soi. Ça reste quelque chose de très populaire.

Vous avez été initié très jeune à la calligraphie. Comment s’est passé cet apprentissage ?

Hongyu Zhang : J’ai commencé mon apprentissage à l’âge de 7 ans, avec mon oncle qui était professeur dans une école des beaux-arts. J’ai également pris des cours pour les enfants. Ça m’a beaucoup intéressé et tout de suite, je me suis distingué des autres. Après deux ou trois années d’apprentissage, j’ai également été initié à la peinture traditionnelle chinoise. Dans la tradition, les deux vont de pair, et pour les enfants, les pictogrammes sont comme de petits dessins, des images… J’ai donc développé très jeune le mode de pensée de la calligraphie : comment réaliser des images, comment apprécier l’esthétique… La calligraphie repose sur une double relation : celle entre l’encre de Chine et le papier, et celle entre le pinceau chinois et le papier. Toutes les techniques sont liées à ces deux choses. Il faut aussi souligner que la calligraphie se fait toujours en noir, à l’encre de Chine. On utilise rarement d’autres couleurs. C’est peut-être pour cela que je peins moi-même en noir et blanc. C’est quelque chose d’assez fréquent dans la peinture chinoise.

Deux portraits réalisés à l’encre de Chine, au fusain et à l’acrylique par Hongyu Zhang. À gauche : No 155 (2012). À droite : No 94 (2009).

Quelle place occupe aujourd’hui la calligraphie dans votre pratique artistique ?

Hongyu Zhang : D’abord, j’utilise toujours l’encre de Chine, en parallèle de nouveaux matériaux, et je peins avec des pinceaux chinois. Quand je réalise un portrait, je pense à un paysage chinois : c’est comme ça que je trace les traits et que je donne les coups de pinceau, comme cela se fait en calligraphie. En Chine, il y a plusieurs genres d’écriture : l’écriture normale et l’écriture cursive. Dans cette dernière, les traits sont très proches de la peinture. J’utilise la technique de la calligraphie, mais en donnant plus de liberté à mes traits ou coups de pinceaux. Ça ne m’intéresse pas de faire un portrait ressemblant, comme une photo… Pour moi, une œuvre est la rencontre entre un sujet et la pensée de l’artiste, ses expériences. Il s’agit de donner une impression, de traduire un sentiment… Cette démarche est centrale dans le système esthétique de la peinture traditionnelle chinoise : il s’agit davantage d’exprimer une sensation que de peindre une réalité. 

Comment avez-vous intégré cet art ancien à votre pratique artistique ? Cela s’est-il passé dans la continuité de votre apprentissage initial ou au travers de ruptures ?

Hongyu Zhang : Il n’y a pas vraiment eu de ruptures. Quand j’ai commencé mes études à l’école des beaux-arts de Mongolie, j’ai été amené à étudier les différentes formes de l’expression artistique occidentale, de la gravure à la peinture à l’huile. Chaque élève devait expérimenter pendant trois mois chacun de ces genres avant de choisir de se concentrer sur un seul. À la fin de cette période, j’ai choisi d’approfondir ma pratique de la gravure : je voulais connaître quelque chose de nouveau, de différent… Mais même pendant les trois années que j’ai consacrées à cet apprentissage, je n’ai jamais cessé de pratiquer la calligraphie.

De gauche à droite : Zhu Da (1625-1705), Liang Kai (fin du XIIe s. – début XIIIe s.) et Xu Wei (1521-1593).

Quel mouvement de l’art occidental a le plus influencé votre travail ? 

Hongyu Zhang : Au-delà des mouvements artistiques, je crois que c’est la culture au sens large qui m’a le plus influencé : le cinéma, la musique… Tout cela m’a donné une nouvelle vision, une nouvelle pensée. La série Salut aux maîtres traduit bien mes centres d’intérêts, à la fois esthétiques et thématiques. L’expressionnisme a une grande importance pour moi. Dans ma propre pratique de la peinture, j’aime « sortir » les sentiments les plus directs, les expressions les plus fortes.

Dans une interview qu’il a accordée au magazine Art in America, Mike Hearn, le commissaire de l’exposition Ink Art, affirme que « si l’on ne comprend pas dans quelle tradition s’inscrivent les artistes contemporains chinois, on ne peut pas comprendre la richesse et la complexité de leurs œuvres ». Etes-vous d’accord avec cela ? 

Hongyu Zhang : Pour moi, l’art contemporain chinois est vraiment distinct de l’art traditionnel. L’art contemporain est un terrain commun, que partagent tous les artistes, quelle que soit leur nationalité. L’art contemporain chinois se nourrit aussi de la philosophie et des techniques occidentales, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’être chinois pour s’y intéresser. Si ces artistes utilisent également la calligraphie traditionnelle, c’est davantage comme un symbole de la culture chinoise. Je crois d’ailleurs que c’est là que réside toute l’importance de l’art contemporain, dans le fait que c’est un lien entre toutes les cultures : un lien assez simple et facile à pénétrer.

Salut Michel Ange I, de Hongyu Zhang (Série Salut aux maîtres). Encre de chine, pastel, acrylique et gravure sur carton marouflé, 148 x 112 cm.

Pour en savoir plus sur l’artiste Hongyu Zhang, nous vous invitons à consulter la vidéo que nous sommes allés enregistrer dans son atelier. 


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