Cécile Raynal : femmes de terre et de feu

Cette collection rassemble vingt portraits de femmes, sculptés par Cécile Raynal au cours des dix dernières années à l’occasion de résidences dans des lieux clos ou en marge de la société. Dans ces face-à-face autour d’un bloc de terre et à la faveur des échanges qu’ils suscitent, l’artiste nous donne à voir les récits de vie de ces femmes anonymes, tenaces, en lutte contre les fatalités sexistes.

Ces portraits de femme s’articulent autour d’une figure historique, rare dans la production de l’artiste : celui d’Olympe de Gouges, figure de la Révolution française, pionnière du féminisme en France, morte guillotinée à l’âge de 45 ans. Cécile Raynal confiait à son sujet « Si Olympe de Gouges est devenue symbole, (…) c’est parce qu’elle fait partie de ces êtres qui disent non et qui proposent des alternatives aux fatalités et aux normes du moment. De ces insoumises qui se posent à l’égal des hommes en pensée, en esprit et en expression, et qui défient l’histoire quand elle cherche à les réduire au silence. »

Les autres portraits rassemblés dans cette exposition sont ceux de femmes anonymes, dont l’artiste a croisé le chemin lors de résidences dans des lieux étrangers au monde de l’art. Depuis une quinzaine d’années, Cécile Raynal déplace son atelier dans des espaces clos, fermés, interdits ou évités : prison, maison de retraite, hôpital, couvent, cargo… Elle invite les femmes et les hommes qui y séjournent ou y vivent à se poser le temps d’une sculpture. Lors de ces rencontres hors du temps quotidien, elle modèle les portraits de celles et ceux, qu’habituellement, on ne rencontre pas.

Ses sculptures se nourrissent des histoires qui lui sont confiées lors de ces rencontres. L’artiste cherche à voir -ou à mieux voir- pour nous montrer ce que nous n’avons pas vu. Elle explore l’individu au-delà de sa place sociale, de sa fonction, de l’espace qu’il habite, en quête de profondeur.

Ces vingt portraits de femmes illustrent cette démarche. Il y a là des adolescentes rencontrées dans le service pédopsychiatrique d’un hôpital, des femmes croisées dans les couloirs d’une maternité, une membre de l’équipage (très masculin) d’un navire cargo… A l’occasion d’une résidence dans un centre social de Normandie (France) en 2018, Cécile Raynal écrivait : « J’ai admiré les femmes rencontrées là. Les femmes et les filles. Comme je les admire souvent d’ailleurs, pour leurs ténacités, leurs façons de prendre le réel et de tordre le cou aux fatalités sexistes. » Un écho se crée donc entre ces figures anonymes et celle -aujourd’hui célébrée- d’Olympe de Gouges.

Dans chacun de ces portraits se mêlent force et vulnérabilité, une présence à la fois farouche et tendre. L’artiste refuse les représentations univoques, les hymnes qui sonnent faux à force d’occulter la complexité de la nature humaine. A une vision en noir et blanc, elle préfère le gris de ses figures en grés enfumé, modelées dans la terre et durcies dans les flammes. Aborder la sculpture de Cécile Raynal, c’est pénétrer le sens d’une démarche artistique où l’art et la vie sont difficilement dissociables.

Au cours des années, toutes sortes de figures archétypales, transmises par les mythes, les contes et certains ouvrages fondateurs, sont apparues dans les sculptures : oiseaux, loups, ânes, renards, chèvres, lièvres, monstres et chimères. Pour l’artiste : « Les figures animales qui peuplent souvent mes installations sont venues en écho direct et en reflet des rencontres et des lieux. Entre les bêtes et nous existent des langages communs, des secrets, des correspondances. »