Sculpture : Une interview avec Marcelo Martin Burgos

Tiger par Marcelo Martin Burgos, sculpture en bronze, 130 cm × 150 cm × 30 cm

Marcelo Martin Burgos est un artiste sculpteur et cinéaste argentin, dont les sculptures en bronze doré s’ancrent dans l’univers de l’enfance qui le fascine. Robots, monstres et autres créatures peuplant l’imaginaire enfantin sont les sujets de prédilection de son activité de sculpture, également nourrie de la production cinématographique qu’il pratique en parallèle. Le bronze, qu’il apprécie pour sa versatilité et son rendu doré lui permet de créer des sculptures aux allures de miroir, dans lesquelles se reflètent les images et les souvenirs d’enfance des amateurs d’art qui les observent. Marcelo Martin Burgos s’est prêté au jeu de l’interview et a répondu à nos questions. Nous lui souhaitons la bienvenue chez Artistics.

Vous travaillez comme sculpteur et cinéaste. Comment combinez-vous ces deux activités ? Est-ce qu’elles se complètent et se nourrissent mutuellement ?

Elles sont tout à fait complémentaires, puisque l’essence de la première est l’immobilité alors que le cinéma à essentiellement trait au mouvement. En tant que sculpteur, mes outils sont mes mains, alors que mon principal outil en tant que cinéaste est le mot. D’une certaine manière, j’ai besoin des deux activités. Après quelques semaines de travail en équipe sur un film, je désespère de retrouver la solitude du studio, et vice versa.

Cette activité a-t-elle influencé votre activité de sculpteur ? Si oui, comment ?

Je crois que c’est l’inverse, la sculpture a influencé mon activité en tant que réalisateur. Parce que ça m’a appris a apprécié le processus de création d’un film comme j’apprécie le processus de création d’une sculpture. Lorsqu’il touche à sa fin, on peut être plus ou moins satisfait du résultat, voire fier, mais il n’y a plus d’amusement puisqu’il faut comment une nouvelle pièce. La réalisation implique un processus créatif collaboratif, alors je fais de mon mieux pour que les personnes impliquées puissent ressentir la joie de ce processus également.

Quand avez-vous commencé votre activité en tant que sculpteur ? Qu’est-ce qui vous y a conduit ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai eu un crayon dans la main. J’ai eu ce qu’on pourrait appeler une « enfance très analogique ». Je faisais mes propres jouets à partir de carton et de bois. Plus tard, j’ai été admis dans une formidable et minuscule école publique d’arts en Argentine. Dans cette école, la moitié de la classe été composée de musiciens, et l’autre moitié d’artistes visuels. Nous étudions toutes les disciplines classiques telles que les mathématiques et la littérature le matin, et les après-midis étaient consacrées à la création artistique, avec toutes les différentes possibilités qu’elle comporte : Dessin, peinture, impression… J’ai commencé la sculpture pendant ma vingtaine avec Gustavo Ibarra, un sculpteur passionné et un maître.

Luzar de Marcelo Martin Burgos, Sculpture en bronze, 100 x 86 x 20 cm

A propos du matériau de vos sculptures, pourquoi avez-vous choisi de travailler le bronze ?

Dans mes premières sculptures, il n’était question que de geste, elles étaient très texturées et très figurative. Le bronze est le matériau idéal pour ce type de production. J’aime sculpter le bois et la pierre de temps en temps, mais le bronze est un matériau incroyablement versatile et noble, et le processus de fonte, le métal fondu, la fonderie… Il n’y a pas d’autre matériau qui permette d’obtenir une surface polie comme du miroir.

Toutes vos sculptures sont polies et dorées. Qu’est-ce qui vous plait dans cette finition ?

Il y a plusieurs niveaux de lecture pour l’or. La spiritualité et tout ce qui a trait au sacré (aussi sacrés et pures que la puissance créative et l’innocence des enfants) a été associé à l’or. Mon travail est profondément connecté à l’enfance et l’or est une manière d’exalter la créativité enfantine. Les souvenirs d’enfant valent de l’or.

Longtemps avant l’invention du verre, les Étrusques faisaient des miroirs de bronze. C’est une manière d’inclure le spectateur dans la sculpture et de lui faire retrouver son propre univers créatif et joyeux d’enfant. La forme de la sculpture crée des distorsions, tout comme les miroirs sculptés utilisés dans les carnavals et les foires où les gens rient de leurs reflets déformés.

Pouvez-vous expliquer les différentes phases de votre processus créatif ?

Tous les artistes ont leurs rituels, dans mon cas, j’ai besoin de me vider la tête, alors j’ai l’habitude de balayer le sol et de mettre mon studio en ordre. J’ignore à l’avance ce que je vais dessiner. Si une idée persiste dans mon esprit, c’est un simple « tigre » ou un « dragon ». Alors vient le dessin, les croquis rapides aussi simples que possible que j’abandonne ensuite. Ils demeurent dans mon studio et parfois, le jour d’après (après avoir balayé mon atelier), j’en choisis un et je commence à le travailler. Ma technique peut être le modelage de l’argile, la sculpture en mousse, une construction faite de bois et de fil. Plus tard, j’ai commencé à beaucoup voyager, donc j’ai commencé à les modéliser en 3D et à les faire imprimer par Matias qui m’assiste dans mon atelier de Buenos Aires.

Policephalouspar Marcelo Martin Burgos, Sculpture en bronze, 56 cm × 97 cm × 40 cm

D’où vient cette fascination pour l’enfance ? 

Elle a sans doute quelque chose à voir avec mon enfance. J’ai passé les premières années de ma vie dans l’orphelinat dont mon père était directeur. Ces enfants étaient, pour mon frère et moi, des amis. Cet endroit était sur une colline, entouré d’arbres mais était loin d’être idyllique, il était éternellement nimbé d’une atmosphère de tristesse. Je me suis toujours souvenu de ces enfants avec admiration. J’ai trouvé du réconfort dans ma sculpture à la mort de mon père de la manière dont ils trouvaient refuge dans le rêve. Ces enfants étaient les personnes les plus résilientes et courageuses que j’ai rencontré dans ma vie. Outre ces enfants, tous les autres me fascinent. Le fonctionnement de leur imagination les aide à incorporer du sens dans ce monde énorme et mystérieux dans lequel ils sont projetés.

Picasso a écrit « Apprendre à peindre comme Raphaël m’a pris cinq ans, mais il m’a fallu une vie pour peindre comme un enfant ». Est-ce une affirmation dans laquelle vous vous retrouvez ? Quelles sont les qualités spécifiques auxquelles vous associez l’enfance, ou la manière dont les enfants rendent leur relation au monde à travers leur art ? »

Absolument, il faut des années pour désapprendre l’éducation des Beaux-arts. La main et les yeux sont entrainés à partir d’une certaine tradition, on nous apprend l’histoire de l’art et l’imitation. Pire encore, on nous apprend que l’art est un combat, qu’être un bon artiste implique de se couper une oreille ou de boire jusqu’à ce que mort s’ensuive. J’ai passé des années à essayer d’être un « artiste sérieux », c’était fatiguant et ennuyeux. Un jour, je suis tombé sur le dessin à la craie d’un enfant dans un parc, et cela m’a frappé. Comme une Madeleine de Proust, cela m’a ramené aux années pendant lesquelles je dessinais simplement pour m’amuser ou pour échapper à une réalité trop difficile afin d’en disposer. Picasso n’a pas appris à peindre comme une enfant, il est retombé en enfance.

Vos monstres ne sont pas effrayants, ils ressemblent davantage à des dessins d’enfant en 3D. Pouvez-vous expliquer ce choix ? Quelle émotion voulez-vous provoquer ?

Loin d’être effrayants, ils sont une présence protectrice et rassurante. Je les imagine comme des êtres puissants et innocents, comme les enfants.

Il est arrogant de penser que ces sculptures peuvent vous ramener en enfance, mais sincèrement, mon but est de convoquer des images et des souvenirs qui rappellent les années les plus créatives, géniales et effrayantes de la vie. Un simple sourire me va aussi.

On pourrait aussi remarquer des références à l’anime ou au manga. Vos monstres puisent-ils davantage dans un imaginaire intime ou dans la pop culture contemporaine ?

D’une certaine manière, oui, il y a des références à des personnages d’anime, des dessins animés et de la pop culture mais aussi des sculptures africaines que j’ai vues, des têtes géantes de Toltèque, des rêves, des dinosaures…

Menschenfesser par Marcelo Martin Burgos, Sculpture en bronze, 53 cm × 62 cm × 22 cm

On pourrait aussi remarquer des références à l’anime ou au manga. Vos monstres puisent-ils davantage dans un imaginaire intime ou dans la pop culture contemporaine ? Vous semble-t-il acceptable de définir votre univers comme « pop » ?

D’une certaine manière, oui, il y a des références à des personnages d’anime, des dessins animés et de la pop culture mais aussi des sculptures africaines que j’ai vues, des têtes géantes de Toltèque, des rêves, des dinosaures…

Vous êtes argentin et vous habitez entre Madrid et Buenos Aires ; diriez-vous qu’il y a une influence spécifique de l’art latino-américain dans votre travail sculptural ?

L’art latino-américain est très héroïque, je crois. Il a un esprit de protestation et de combat. Il traite de questions majeures comme la race, l’oppression, la pauvreté et la justice. Le mien est un art bien modeste, il n’inspirera pas une révolution. De ce point de vue, je n’oserais pas tenter de m’inscrire dans cette tradition. Je ne peux pas, et ne voudrais pas, échapper à l’endroit où je suis né et à ce que j’ai vécu, et tout cela est une influence, dans l’art comme dans la vie.

Y a-t-il une sorte de message ou de récit que vous souhaitez transmettre au public à travers votre art ?

Vous savez, face à l’art contemporain, il est très fréquent que les gens disent « un enfant aurait pu faire ça ». Eh bien, j’aimerais qu’ils sachent que c’est absolument la chose la plus incroyable qu’ils puissent dire à un artiste.

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