
Le travail photographique de Miss Aniela (Leeds, Royaume Uni, 1986) est centré sur la figure féminine, contextualisée dans une mise en scène élaborée. L’artiste anglaise mélange dans ses photographies des éléments surréalistes à travers une habile manipulation numérique des images.
Débuts dans la photographie avec des autoportraits surréalistes
Tout commence avec l’ennui, la distraction et la curiosité. En 2006, alors qu’elle suit un cours Anglais et Médias à l’Université du Sussex, l’étudiante Natalie Dybisz commence à publier des photographies d’elle-même sur Flickr. Bien avant l’apogée des selfies, l’artiste cherche par ce moyen à exprimer sa créativité. Fascinée par l’immédiateté de la photographie numérique et les possibilités infinies de manipulation de l’image permettant d’altérer la réalité, elle publie ces photographies utilisant l’alter-ego Miss Aniela (ce dernier étant son deuxième prénom).
Dans ces autoportraits ludiques et originaux, la jeune femme explore l’espace avec des poses irréelles et surréalistes ; sa figure est parfois dupliquée numériquement, lui permettant de « devenir quelqu’un d’autre, un soi supérieur, une multiplicité de ‘sois’ différents ». La série Self-Gazing, affinée au cours de plusieurs années d’expérimentation, attire l’attention d’un vaste public sur Flickr, de plus en plus enthousiaste quant à ce travail. L’invitation au Pro Photo Summit de Microsoft en 2008 lance Miss Aniela dans le monde de la photographie contemporaine et des expositions.
Surreal Fashion : un univers onirique de décors, de féminité et de surréalisme
Malgré le succès, la photographe ressent bientôt les limitations de l’autoportrait et aspire à changer de sujet. Après la série Ecology, qui explore la relation entre les humains et la nature et comporte des références visuelles à la pollution, à la déforestation et à la géo-ingénierie, elle commence en 2011 un nouveau projet qu’elle développe pendant les sept années qui suivent : Surreal Fashion. La série est décrite comme une « fusion d’images traditionnelles et de motifs travaillés numériquement, entrelacés dans une composition surréelle ».
Les images de Surreal Fashion se caractérisent par la présence de trois éléments essentiels : un lieu de tournage d’exception, un mannequin habillé avec des robes sophistiquées et des motifs que l’artiste retravaille en post-production suivant plusieurs sources d’inspiration. En ce qui concerne le lieu de tournage, Miss Aniela parcourt l’Europe et les Etats-Unis à la recherche d’endroits riches en histoire et décors : châteaux français, manoirs américains, demeures historiques anglaises constituent un cadre magnifique pour ses mannequins à la beauté séduisante. Les figures féminines portent des costumes élégants ou excentriques commandés à des stylistes et des créateurs de mode, loués à des théâtres ou encore personnalisés par l’artiste et son équipe.
Après la sélection des photographies commence le travail créatif sur Photoshop. Miss Aniela rajoute et intègre à l’image des motifs (animaux, créatures mythologiques, paysages marins…) principalement issus de peintures anciennes, en recherchant une synergie entre le classique et le contemporain, la peinture et la photographie. Tout cela contribue à la création d’un monde visuel parfois opulent, parfois sublime, parfois bizarre, mais toujours porteur d’une atmosphère, d’une narration et d’une esthétique uniques.
Miss Aniela : une artiste en développement et recherche constante
« On ne peut pas créer quelque chose d’absolument vrai et original. Ce que nous pouvons faire, toutefois, c’est toujours questionner tout ce que nous créons, tout ce qui nous entoure et nous inspire, et apprécier la perfection d’être imparfaits » Miss Aniela
Grâce à sa créativité l’artiste se renouvelle constamment d’un point de vue artistique, mais ses projets ne verraient pas le jour sans une capacité d’organisation, une détermination et un engagement hors pair. La série Surreal Fashion a demandé beaucoup d’efforts en termes de logistique, d’administration et de communication, afin de coordonner ce projet complexe et une équipe de spécialistes (stylistes, mannequins, coiffeurs, maquilleurs…). Son mari Matthew Lennard, avec lequel elle « vit et respire la photographie, réfléchissant sans cesse à des nouvelles idées » travaille en étroite collaboration avec elle.
Même si sa curiosité inépuisable amène Miss Aniela à travailler sur des projets toujours différents des précédents, un fil rouge existe dans sa production : la figure de la femme. Sa dernière série, Birth Undisturbed, explore le thème de la maternité. Marquée par une tragédie personnelle (son premier fils étant mort-né à cause d’une maladie mortelle détectée au huitième mois de grossesse) et inspirée par la littérature sur ce thème, l’artiste aspire à une représentation innovante de l’accouchement, réaliste mais mise en scène de manière presque cinématographique. Dans un contexte d’accouchement actuel souvent très médicalisé et contrôlé, la série montre « le miracle, les émotions et la texture de l’accouchement » afin d’encourager les femmes enceintes à affronter ce moment sans peur, de façon ‘undisturbed’ (non perturbé, tranquille) comme le titre de la série le suggère, en suivant leurs instincts naturels et en faisant confiance à leur pouvoir de donner la vie.
La reconnaissance du monde de l’art et de la photographie
En lui permettant de diffuser et de faire connaître ses premiers autoportraits, les réseaux sociaux ont accompagné le début de la carrière de Miss Aniela. Mais c’est avec la série Surreal Fashion qu’elle rencontre un succès international, et la reconnaissance du monde de l’art. Une exposition particulièrement importante dans son parcours est celle organisée au Musée d’art Waldemarsudde de Stockholm (Suède) en 2016. Saatchi Art la nomme deux fois, en 2010 et 2017, artiste « One to Watch », sélection dédiée aux talents émergents à suivre. Son travail est aussi retenu pour l’exposition « Continental Shift » à la Saatchi Gallery de Londres en 2014.
Sa série Twelve Women In Academia, dans laquelle la photographe contemporaine s’inspire des portraits de Rembrandt pour représenter et mettre en valeur le travail et la vie de douze académiciennes de l’Université du Sussex, est exposée à la House of Parliament (Palais de Westminster) en 2017. La série Birth Undisturbed lui vaut plusieurs prix : ND Awards Photographer of the Year 2020, 12th Julia Margaret Cameron Award 2018, finaliste au Mother Art Prize, Kuala Lumpur Portrait Prize et British Journal of Photography’s ‘Portrait of Humanity’ 2019.
Miss Aniela expose aujourd’hui dans des galeries, foires et festivals partout dans le monde, et participe à de nombreuses conférences. Son travail est également présenté dans des médias de renom tels que Telegraph, BBC, NY Arts, Daily Mail, The Guardian et Vogue Italie.
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