SNJOR : l'hiver islandais vu par Christophe Jacrot
Avec le réchauffement climatique, peut-on encore photographier l'hiver en Europe ? Pour répondre (positivement) à cette question, Christophe Jacrot est allé jusqu'en...
Depuis plus d’une dizaine d’années, le nom de Christophe Jacrot est associé à une photographie de paysages (urbains ou naturels) sculptés par les intempéries. Avec lui, les conditions climatiques sont toujours extrêmes : la ville est vue à travers une vitre ruisselante de pluie ou un rideau de neige. Ses images capturent avec perfection et beaucoup de poésie la beauté des mégapoles transfigurées par les intempéries. A ses yeux, "il y a deux façons de photographier le monde, saisir son horreur ou le sublimer". Devant une photographie de la nature de Christophe Jacrot, son choix nous apparaît clairement : il sublime.
Cet artiste français né en 1960 expérimente la photographie depuis l’adolescence mais c’est dans le monde du cinéma qu’il se fait d’abord remarquer. Il réalise plusieurs courts métrages, pour la plupart primés. Face aux contraintes financières imposées par l’industrie cinématographique, Christophe Jacrot revient vers la photographie, un art auquel il se consacre désormais entièrement.
Son appétence pour la photographie de la nature, envisagée à travers les éléments déchaînés, se développe alors qu’il doit réaliser des images de Paris ensoleillé pour un guide touristique. Le photographe engage un projet artistique autour des villes sous les intempéries. « Le temps était désespérément mauvais et ça m’a donné envie de prendre le contrepied de l’imagerie traditionnelle de Paris pour capter ces ambiances peu photographiées. J’avais en mémoire le fabuleux portrait de Giacometti sous une pluie battante, pris par Henri Cartier-Bresson, et cette photo d’un homme sautant par-dessus une flaque d’eau devant le Trocadéro, faite par Elliott Erwitt » Ce projet donne lieu, en 2007, à une première exposition au Lucernaire où Christophe Jacrot démontre l’étendue de son talent. Son approche de la photographie, expressive et insolite, séduit le public et le conduit très vite à publier un livre photo : Paris sous la pluie, aux éditions du Chêne.
Depuis, il ne cesse de poursuivre cette étude dans de nombreuses villes. Il photographie Hong Kong, Tokyo ou Taipei dans la brume et sous la pluie (série Hong Kong and Asia in the Rain) ainsi que New York sous une tempête de neige (série New York in White). En octobre 2012 c’est dans cette même ville que Christophe Jacrot photographie des quartiers entiers privés d’électricité et plongés dans le noir après le passage de l’ouragan Sandy (série New York in Black). Plus récemment, le photographe est parti à la recherche de paysages naturels comme l’Islande ou les côtes normandes pour saisir la beauté d’une neige épaisse et la poésie qui se cache derrière une tempête (séries Snjór et Blizzard).
Pour Télérama, qui lui accorde un article en 2016, il est le « photographe qui traque les intempéries ». Pour nous, il est un artiste très prometteur qui restitue avec brio les contours d’un univers en flottaison où des silhouettes solitaires s’évanouissent sous une pluie diluvienne ou d’épaisses chutes de neige. Un univers qui rappelle celui d’un autre photographe de grand talent : l’Américain Saul Leiter. Sa photographie se concentre sur une nature façonnée par les intempéries pour nous montrer ces moments que nous cherchons toujours à fuir en nous mettant à l’abri. « J’’ai voulu capter les lumières subtiles (des intempéries), le fort pouvoir évocateur et romanesque, en adoptant une approche délibérément picturale et émotionnelle » déclarait ainsi Christophe Jacrot lors d’une interview à Madame le Figaro.
En 2020, la chaîne de télévision ARTE a diffusé un mini reportage sur Christophe Jacrot, réalisé par le journaliste Richard Bonnet.