Comment peut-on définir le goût ? Cette question passionne la philosophie depuis près de deux siècles. La question est devenue scientifique, et le travail de définition de cette notion a enrôlé de nombreux champs de pensée. Une question de temps, d’époque ou de références, le goût nous semble déterminé. On peut en circonscrire une époque et s’en remettre aux mœurs pour le comprendre. Mais alors, le goût serait-il évolutif ? Et chaque personne issue du même temps artistique ou encore du même lieu serait déterminée à partager le même goût ?
A l’occasion de ce questionnement, nous vous présentons trois femmes sculpteures contemporaines françaises, dont les approches esthétiques diffèrent. Leur travail est ici présenté à travers trois notions de goût qui cohabitent dans le temps et dans l’espace, nous les définirons grossièrement comme l’expression particulière de trois sentiments : le Beau, le Sublime et le Camp.
Princesse Sara, Cécile Raynal
La relativité du goût complique particulièrement sa définition. Si le goût est relatif, c’est qu’il est de l’ordre de l’affect, qu’il touche les sens de manière non rationnelle. Le goût est partout. Pour l’auteur américaine Susan Sontag : « Il y a le goût des gens, le goût visuel, le goût de l’émotion – et il y a le goût des actes, le goût de la morale. L’intelligence aussi est vraiment une sorte de goût : il y a le goût des idées. » Pour l’auteur, le goût est d’autant plus difficile à définir s’il est contemporain : « Pour isoler la sensibilité d’une œuvre, en particulier celle qui est vivante et puissante, il faut être tenté et agile. »
Ainsi, parvenir à une définition du goût ne peut passer que par la définition de catégories esthétiques crées à partir de l’effet produit par les objets. La seule objectivité qu’il est possible d’avoir c’est une objectivité définitionnelle en tant qu’elle est presque scientifique.
Les trois sculpteures contemporaines que nous vous présentons ici sont toutes issues du même temps et du même espace, mais l’expérience les a déterminées à créer de manière particulière.
Marine de Soos est une sculpteure française née en 1967. Elle s’est spécialisée dans la sculpture figurative en bronze, et dans la production de figures animalières et humaines très réalistes. Lisses d’aspect, les sculptures de Marine de Soos respectent les proportions et les sensations visuelles produites par les éléments qu’elles représentent. Ainsi, le réalisme des œuvres de Marine de Soos range son travail du côté de ce qui satisfait le jugement, de ce qui rassure et qui touche en vertu d’une satisfaction des sens.
Femme a la lanterne, Marine de Soos
Cécile Raynal est une sculpteure française née en 1966. La sculpture est chez elle un mode d’exploration du monde et trouve son origine dans un registre fortement documentaire. C’est dans le cadre de résidences exercées dans des lieux connotés tels que des hôpitaux, prisons ou cargos transatlantiques que l’artiste crée. Sa production de sculptures en grès enfumé implique donc autant de technique que de sensibilité. Ces portraits sont rugueux, et se mêlent à des figures de contes ou de mythes et autres animaux. Ainsi, ils n’appartiennent pas à la même catégorie esthétique que des œuvres qui satisfont le jugement. Les œuvres de Cécile Raynal sont hybrides, et le jugement est parfois mis en difficulté face à ces figures presque monstrueuses, à l’aspect carbonisé mais profondément humaines.
Duo d’Aude, Cécile Raynal
Florence Chésade est une sculpteure française née en 1960. D’apparence très classique, le travail de l’artiste offre la possibilité d’un intéressant travail de définition à propos de la notion de goût. Avec un sujet très classique tel que la sculpture animalière en bronze, Chésade parvient à étonner le jugement. D’aucuns diraient que son thème se situe du côté de ce qui satisfait le jugement, or les ornements et finitions dont Chésade pare son travail participent à rendre ses sculptures assez particulières. Ne satisfaisant pas le jugement de manière immédiate, mais demandant une compréhension d’une intention de faire art, les œuvres de Chésade peuvent dérouter le jugement.
Le Bel Homard, Florence Chésade
